One of those nights…

Audenge, le 10/12/15

Marie,

Je sais que tu ne liras jamais cette lettre. Après tout cela fait quatre ans que l’on se n’est pas parlé. Et pour être honnête, je n’avais pas pensé à toi depuis un petit moment. Il a d’ailleurs fallu que j’aille fouiller dans mes vieux brouillons pour retrouver la date approximative de notre dernière rencontre. Je suppose que j’avais fini par accepter de vivre sans savoir comment tu allais et ce que tu devenais.

Pourtant, il y a environ deux semaines, sans trop savoir pourquoi, j’ai relu les quelques lettres et cartes que tu m’avais écrites et que j’ai toujours gardées. Il faut dire qu’elles ne sont jamais bien loin, rangées dans ce tiroir de ma table de nuit qui contient quelques unes des choses qui comptent le plus pour moi. Des photos de ma mère, de ma sœur, de mon ex-femme, mon alliance… Et donc tes lettres.

Ma première réaction après cette lecture a été de chercher à avoir de tes nouvelles. Grâce à ta page Facebook, j’ai vu que tu dessinais toujours. Je sais que c’est idiot mais ça m’a fait chaud au cœur. J’ai sans doute tord de m’en attribuer une partie du mérite, mais c’est plus fort que moi. Je me souviendrais jusqu’à mon dernier souffle de ce soir où ne te ramenions chez toi avec Claire et que tu m’as annoncé que tu avais décidé de tenter ta chance dans le dessin. À bien y réfléchir, je crois que je n’ai jamais été aussi fier de quelqu’un.

Il y avait également une photo de toi. La première pensée que m’a traversé l’esprit lorsque je l’ai vu fut : « Elle n’a pas changé ». Tu es toujours l’ado de quinze ans à qui j’avais demandé d’illustrer mon livre. Il y a quatorze ans de cela… Je suis sûr que si tu me lisais, tu ferais semblant de te mettre en colère et te me dirais que ce n’est pas vrai, que tu as vieilli, tu es mariée, que tu n’es plus une ado depuis longtemps. C’est sans doute vrai, mais à mes yeux tu resteras toujours ma petite sœur d’adoption avec qui j’ai tant partagé. Et que j’ai perdu par un savant mélange de stupidité, d’incompréhension et de sale caractère.

Mais assez parlé du passé. Venons en au présent et à la raison de cette lettre qui n’arrivera jamais à destination.

Lors de notre dernière rencontre, j’avais essayé de t’expliquer que j’avais vécu une période très noire durant les années précédentes. Je n’arrive pas à me souvenir si j’avais utilisé les mots « dépression » et « suicide » à ce moment là, mais au cas où tu ne te souviendrais pas de cette conversation, disons qu’ils résument assez bien ce passage de ma vie.

Je pense en être complètement sorti aujourd’hui et honnêtement, je pense ne plus avoir grand chose à voir avec l’homme que j’étais auparavant. Pourtant, il y a certains jours où je replonge complètement. Avec le temps, j’ai appris à gérer ces coups de moins bien. Je sais que ce n’est que passager et que généralement, le lendemain, ça va mieux.

Hé bien aujourd’hui était l’une de ces journées. Et sans doute à cause de la lecture de tes lettres, je n’avais qu’une envie, c’était de décrocher mon téléphone et d’essayer de t’appeler. Heureusement, je ne l’ai pas fais. Je sais que tu n’en aurais pas eu envie, que tu es passée à autre chose et que je ne suis désormais plus pour toi qu’un lointain souvenir (bon ou mauvais, cela reste à déterminer). Mais voilà, j’avais quand même en moi cette furieuse envie de te parler. Alors je me suis rabattu sur cet ersatz. C’est très loin d’être aussi satisfaisant que de t’avoir près de moi ou de te parler directement, mais c’est toujours mieux que rien.

En fait, plus j’avance dans cette lettre plus je me rends compte à quel point tu me manques. Je commence à croire que si je n’ai pas pensé à toi ces deux dernières années, c’est plus pour m’éviter de remémorer ta perte que parce que j’avais réussi à avancer dans la vie.Au bout du compte, t’écrire n’était peut-être pas une bonne idée… Ce sera donc la dernière fois. Je te souhaite sincèrement le meilleur dans la vie, Marie. Je ne t’oublierai jamais.

Je t’embrasse très fort

Ton éternel grand frère

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